Dimanche 26 janvier 2014 : 3ème dim. TO A

Publié le 26 Janvier 2014

Dimanche 26 janvier 2014 : 3ème dim. TO A

Homélie du P. Benoit Lecomte

           Cette magnifique page de l'Evangile nous offre de quoi nourrir longtemps notre méditation. En suivant Jésus, en accueillant ses paroles, ses gestes, ses regards, sa façon de faire, nous sommes renvoyés à nous-mêmes, à notre vie de chrétiens et d’Église, et à notre mission de disciples pour le monde...

 

          Combien l'évangéliste prend-il soin de décrire et de nommer le lieu où Jésus va vivre : Capharnaüm, au bord du Lac, « dans les territoires de Zabulon et de Nephtali », en Galilée, « au carrefour des païens ». C'est là que Jésus vient prendre les routes de l'homme. Là qu'il choisi d'établir sa demeure itinérante. Là où il y a « des ténèbres » et « de la mort ». Il aurait pu opter pour une ville sainte, un quartier religieux... il est Dieu, et sa parole doit porter ! Il préfère le plein vent, l'instabilité, le risque de la critique et de l'incompréhension... mais aussi le risque de l'accueil, de la nouveauté, de la rencontre, de la curiosité, de la différence, de l'attente.

          Comme ce lieu ressemble à celui en lequel nous sommes projeté ! Ce monde complexe et multiforme que nous connaissons et dans lequel nous évoluons. Ce monde capable d'intelligences et de solidarités extraordinaires, autant que de violences et de haines inouïes. Ce monde tout à la fois cherchant Dieu et le rejetant avec crainte, désirant le spirituel tout en se laissant étouffer par le matériel, trop peu ou mal-religieux, diront certains. Ce monde sur lequel nous n'arrivons plus à avoir de maîtrise, qui nous a échappé quelque part. Ce monde nous traverse nous, et nos familles, nos amis, nos sociétés. Il n'est pas le lieu qu'il nous faudrait déserter pour vivre enfin dans un monde merveilleux : il est le monde en lequel le Fils de l'homme a choisi de vivre sa vie d'homme. Il est le monde aimé de Dieu, rejoint par Dieu. C'est là, en ce capharnaüm contemporain, que nous avons notre place à tenir. Non pas à regret ! Mais avec joie, simplicité et confiance. La mission ne nous appelle pas à vivre dans les endroits sécurisés ou sécurisant : en Église, c'est au cœur du monde tel qu'il est que nous devons planter notre tente et déambuler. Cette semaine, quelqu'un me disait que nous étions sur terre par punition à cause du mal, dans l'attente de mériter de vivre dans un monde plus doux, au paradis. Non. C'est en ce monde que nous critiquons souvent, interpellons parfois, nous battons toujours, que Dieu vient nous rejoindre, et qu'il nous invite à vivre pleinement.

          Il vient pour lancer son appel à la conversion. « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche », proclame Jésus. Et n'a-t-on pas tôt fait d'entendre là une invitation morale, alors même qu'on entend décrier « la perte des valeurs et des repères » ? Jésus, sûrement, propose à l'homme de vivre une vie plus ajustée, un agir plus humain. Mais avant d'être moral, cet appel à la conversion ne serait-il pas existentiel ? Ne s'agirait-il pas d'abord de tourner nos regards vers lui, de convertir, d'orienter notre vie vers la sienne, notre existence vers sa personne ? Vers Lui, le Royaume des cieux. Il est tout proche, nous rassure-t-il. Sans un attachement préalable de notre vie à Jésus, toute morale deviendra légaliste et risquera de perdre son sens. Au nom de quoi, de qui, agir de telle ou telle façon ? Au nom de Jésus, Celui qui vient nous libérer de nos entraves et de notre péché, nous « guérir de toute maladie et de toute infirmité » du dedans même de notre capharnaüm. Quand nous invitons à vivre une morale chrétienne – et il y a en ce moment tant de débats de société dans lesquels nous pouvons et nous devons prendre notre part -, que ce soit toujours le regard tourné, « converti » vers Jésus, en son nom, dans la lumière de Pâques et de la résurrection, au risque, sinon, d'enfermer à nouveau celles et ceux à qui nous nous adressons. Sans chercher à « récupérer », à « accaparer », à mener à soi. « Le Christ ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l'Evangile, et sans avoir recours à la sagesse du langage humain, ce qui viderait de son sens la croix du Christ », remarque Saint Paul. Lui, le fondateur de tant de communautés chrétiennes, lui qui a déployé en tous points du monde la Bonne Nouvelle, n'aura pas tant cherché à baptiser, qu'à faire que des hommes et des femmes deviennent, là où ils sont, personnellement et par l'unité de leur vie communautaire, des signes vivants de l'Evangile du Christ et de la joie de croire en Dieu. Des signes du Royaume des cieux tout proche de chacun.

           N'est-ce pas ainsi que l'on pourrait entendre de façon nouvelle l'appel de Simon et d'André, de Jacques et de Jean au bord du lac ? L'on s'arrête souvent à l'incompréhension devant cette folie de suivre soudainement un homme en laissant tout. Car nous entendons leur réponse comme celle de devenir chrétien avec nos catégories de chrétiens. Or Jésus ne propose pas d'abord à ces hommes d'aller à la messe tous les dimanches, de faire régulièrement leur prière, d'être charitable envers les plus pauvres, d'avoir le sens de la communauté chrétienne et de l'obéissance au collège épiscopal. Tout cela viendra – peut-être, et plus tard. Jésus invite des pêcheurs de poissons, des ouvriers et des artisans du bord du lac, à grandir en humanité. A vivre libérés du péché. A découvrir que leur vie est infiniment plus grande que ce qu'ils en perçoivent. A faire l'expérience de l'incroyable amour de Dieu pour eux. A élargir leur cœur et leur existence aux dimensions de tous les hommes. A vivre sans mur et sans œillères, dans la liberté de l'Esprit. Il n'appelle pas des savants, des théologiens, des gens au CV parfait, aux qualités humaines irréprochables, mais des sanguins qui ont l'audace de croire, ce jour où Jésus passe, que suivre cet homme, marcher à ses côtés, l'écouter chaque jour et se laisser guider par lui, est chemin de bonheur, d'amour et de liberté. Et si Jésus te propose de prendre ce chemin, pour que tu deviennes vraiment toi-même en toutes les dimensions de ton existence, dans la folie de l'amour de Dieu pour toi, résisteras-tu longtemps à son appel ?

De la même façon, n'est-ce pas cet appel que nous pouvons à notre tour transmettre à celles et ceux que nous croisons ? Non pas pour les baptiser à tout prix, ou en faire de « bons chrétiens » (si cette formule a du sens), les rattacher à nos organisations d’Église – même s'il est bon qu'elles existent pour que le signe devienne visible - mais pour que tout homme, toute femme, découvre le prix de sa vie, la beauté de son chemin, la valeur de son existence... Quelle Bonne Nouvelle avons-nous à transmettre ! De quelle Bonne Nouvelle sommes-nous invités à devenir témoins, en ce monde !

      Laissons encore résonner en nous cet Evangile du Christ. Laissons jaillir en nous et du milieu de nos désespérances et de nos ténèbres cette « grande lumière ». Jésus a eu l'audace de nous inviter à prendre la suite de sa mission et de sa présence en notre monde. Ayons l'audace de répondre par toute notre vie, et de répandre autour de nous la joie de son Evangile.

           Amen.

P. Benoît Lecomte

 

H

Livre d'Isaïe 8,23b.9,1-3.
Dans les temps anciens, le Seigneur a couvert de honte le pays de Zabulon et le pays de Nephtali ; mais ensuite, il a couvert de gloire la route de la mer, le pays au-delà du Jourdain, et la Galilée, carrefour des païens.
Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière ; sur ceux qui habitaient le pays de l'ombre, une lumière a resplendi.
Tu as prodigué l'allégresse, tu as fait grandir la joie : ils se réjouissent devant toi comme on se réjouit en faisant la moisson, comme on exulte en partageant les dépouilles des vaincus.
Car le joug qui pesait sur eux, le bâton qui meurtrissait leurs épaules, le fouet du chef de corvée, tu les as brisés comme au jour de la victoire sur Madiane

 

Psaume 27(26),1.4abcd.13-14.
Le Seigneur est ma lumière et mon salut ;
de qui aurais-je crainte ?
Le Seigneur est le rempart de ma vie ;
devant qui tremblerais-je ?

J'ai demandé une chose au Seigneur,
la seule que je cherche :
habiter la maison du Seigneur
tous les jours de ma vie.

Je le crois, je verrai les bontés du Seigneur
sur la terre des vivants.
« Espère le Seigneur, sois fort et prends courage ;
espère le Seigneur. ».

 

Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 1,10-13.17.
Frères,  je vous exhorte au nom de notre Seigneur Jésus Christ à être tous vraiment d'accord ; qu'il n'y ait pas de division entre vous, soyez en parfaite harmonie de pensées et de sentiments.
J'ai entendu parler de vous, mes frères, par les gens de chez Cloé : on dit qu'il y a des disputes entre vous.
Je m'explique. Chacun de vous prend parti en disant : « Moi, j'appartiens à Paul », ou bien : « J'appartiens à Apollos », ou bien : « J'appartiens à Pierre », ou bien : « J'appartiens au Christ ».
Le Christ est-il donc divisé ? Est-ce donc Paul qui a été crucifié pour vous ? Est-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ?
D'ailleurs, le Christ ne m'a pas envoyé pour baptiser, mais pour annoncer l'Évangile, et sans avoir recours à la sagesse du langage humain, ce qui viderait de son sens la croix du Christ.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 4,12-23.
Quand Jésus apprit l'arrestation de Jean Baptiste, il se retira en Galilée.
Il quitta Nazareth et vint habiter à Capharnaüm, ville située au bord du lac, dans les territoires de Zabulon et de Nephtali.
Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète Isaïe :
Pays de Zabulon et pays de Nephtali, route de la mer et pays au-delà du Jourdain, Galilée, toi le carrefour des païens :
le peuple qui habitait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière. Sur ceux qui habitaient dans le pays de l'ombre et de la mort, une lumière s'est levée.
A partir de ce moment, Jésus se mit à proclamer : « Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. »
Comme il marchait au bord du lac de Galilée, il vit deux frères, Simon, appelé Pierre, et son frère André, qui jetaient leurs filets dans le lac : c'étaient des pêcheurs.
Jésus leur dit : « Venez derrière moi, et je vous ferai pêcheurs d'hommes. »
Aussitôt, laissant leurs filets, ils le suivirent.
Plus loin, il vit deux autres frères, Jacques, fils de Zébédée, et son frère Jean, qui étaient dans leur barque avec leur père, en train de préparer leurs filets. Il les appela.
Aussitôt, laissant leur barque et leur père, ils le suivirent.
Jésus, parcourant toute la Galilée, enseignait dans leurs synagogues, proclamait la Bonne Nouvelle du Royaume, guérissait toute maladie et toute infirmité dans le peuple.

 

Rédigé par Paroisse saint Jean Baptiste

Publié dans #Homélies

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