Dimanche 8 juin 2014 : fête de la Pentecôte

Publié le 9 Juin 2014

Te amo,Ես քեզ, Maite zaitut, Eu te amo, ina son ka, Saya suka anda,  Kocham cię, T'estimo, je t'aime, amor que eu t '  אני א, והב אותך

Te amo,Ես քեզ, Maite zaitut, Eu te amo, ina son ka, Saya suka anda, Kocham cię, T'estimo, je t'aime, amor que eu t ' אני א, והב אותך

                Labouré, Créole, Portugais, Polonais, Swango, Arabe, Français, Espagnol, Arménien, Basque, Malgache, Lingala... nous voilà ce matin parlant toutes les langues.

           Et ceux qui ne peuvent parler la leur au quotidien savent combien une langue est importante, comme elle rejoint la racine de notre identité. Plus qu'une somme de vocabulaire et de règles de grammaires, une langue est une culture, une façon de penser, un ensemble cohérent de concepts, une façon d'être en relation avec les autres et de voir le monde, de se situer dans l'espace et le temps... « Traduire, c'est trahir », disent les linguistes. Ils savent qu'on ne peut transposer une idée d'une langue à l'autre sans la tordre, la changer d'horizons, la déplacer.

           Ceux qui ont quitté leur pays et leur langue à cause de violences ou de guerres savent encore mieux l'attachement et l'arrachement qui y sont liés... On ne quitte pas seulement une langue, on laisse sa famille, ses amis, on fuit un pays, on devient étranger...

           Le récit de la Tour de Babel, dans le livre de la Genèse, nous raconte que les hommes, jadis, parlaient tous la même langue, qu'ils s'entendaient et se comprenaient à merveille. Mais ils ont voulu se prendre pour Dieu, déjà, encore une fois. Et le péché (car c'est finalement le seul péché : vouloir se prendre pour Dieu) les a divisé. Les voilà qui ne se comprennent plus les uns les autres. Les clans se forment, les frontières se dressent, la jalousie s'installe, la concurrence apparaît... divisions des peuples et des hommes. Quand les langues s'éparpillent, la communication n'est plus possible et l'incompréhension l'emporte.

On essaie bien de nous imposer de nouvelles langues communes : l'Espéranto, Coca-Cola et Mc Do, celle de la bourse du CAC 40 ou celle des finances et des agences de notations... mais aucune ne réussi à s'imposer, à rejoindre chacun avec douceur. Car une langue ne s'impose pas de l'extérieur. Elle vient de l'intérieur, du fond de la mémoire, du ventre maternel... « maternelle langue ».

          Un langage pourtant, une Parole, est universelle : l'amour. « Je t'aime ». Pas le « je t'aime » de l'homme. Il est encore pétri de questions et de limites, d'idéal jamais atteint et d'imperfection. Mais le « Je t'aime » de Dieu à l'homme. Celui qui s'est exprimé de façon la plus définitive en Jésus, la Parole faite chair. Quand Dieu dit « Je t'aime » à l'homme par le Christ, un Homme... et tout homme devient comme parole d'amour de Dieu pour l'humanité... Tout homme... renversement étonnant, mystérieux. Le Christ : Parole universelle adressée par Dieu à chacun. Mise en relation avec Lui et entre nous.

           Le Christ parti, il reste avec nous tous les jours, jusqu'à la fin des temps, par le don de son Esprit à chacun. Et la Pentecôte devient la fête de l'anti-Babel. La rencontre devient possible. L'accueil se fait écoute. L'incompréhension se fait attention. L'autre est autre, parlant un autre langage (même s'il parle la même langue que moi, mais d'où vient-il, cet autre, ce voisin, ce frère, ce collègue, ce paroissien?), et il m'enrichit. « Tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps (…) Tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés dans l'unique Esprit pour former un seul corps. Tous nous avons été désaltéréspar l'unique Esprit. » (saint Paul) « L'autre est porteur d'une vérité qui me manque », disait Mgr Claverie, Pierre, celui-là même que nous entendrons à travers le spectacle cet après-midi. « L'autre »... jusqu'au musulman ou à tout autre croyant, qui devient révélateur d'un manque en moi. La Pentecôte : une victoire sur l'incompréhension mutuelle, sur les divisions et les concurrences...

           Regarde notre monde. Celui imagé à travers les diversités de notre assemblée. Celui en proie aux violences, aux régimes totalitaires et militaires, aux dictatures politiques et financières. Loin là-bas ou tout proche de chez nous. Dans ce monde défiguré par les peurs, les divisions et le repliement, nous sommes comme les apôtres de l'évangile : porteurs d'une nouvelle extraordinairement bonne. Pas plus tard qu'avant hier, je racontais à une personne d'origine Algérienne et musulmane que nous allions fêter la Pentecôte. Et j'ai du évidemment expliquer en quelques mots ce qu'est la Pentecôte : « après la mort de Jésus, ses apôtres l'ont vu ressuscité, ils ont compris que la vie avait été plus forte que la mort, que l'amour et le pardon était plus fort que la haine et la violence... et 50 jours après Pâques, ils reçoivent l'Esprit de Dieu, une force, un souffle qui leur donne l'audace d'aller dire aux hommes de toutes les nations cette nouvelle, parce qu'ils comprennent qu'elle concerne tous les hommes, et pas seulement quelques-uns. » Et la femme en face de moi de me répondre, avec un regard pétillant et m'assurant de sa présence au spectacle : « C'est beau ! C'est très beau ! »

 

           Nous sommes porteurs d'une belle nouvelle : Jésus Christ ! Et pour que nous puissions proclamer cette nouvelle, pour que nous ne soyons pas mus par la peur et la suspicion mais par l'audace et la joie, le désir de la rencontre et la soif de communion, Dieu nous emplit de son Esprit de Pentecôte.

 

          Des langues : pour parler toutes les langues de la terre et des hommes, pour rejoindre chacun dans son unicité, parce qu'il n'y a jamais d'humanité à l'emporte-pièce. Des langues différentes pour se comprendre toujours davantage dans nos différences, dialoguer, échanger, donner et recevoir, sans imposer.

           Du souffle : parce qu'une langue sans souffle ne peut rien, elle est morte. Mais prise dans la colonne d'air, dans le souffle des poumons et de la vie, elle devient message. Et le souffle met la langue en musique qui rejoint le cœur de l'homme pour l'amener à la vie divine, dans le Souffle commun.

           Des langues de feu : parce que ce ne sont pas des mots doux et sucrés que la nouvelle nous fait proclamer, mais des mots qui brûlent, réchauffent, purifient, assouplissent. Des mots qui font fondre les cœurs de pierre pour devenir cœurs de chair. Parole du feu de re-création qui ré-humanise le monde en le divinisant. « Que ton Esprit, Seigneur, achève toute sanctification ».

 

           « 'La paix soit avec vous ! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie.'
Il répandit sur eux son souffle et il leur dit : ' Recevez l'Esprit Saint'.
 » Nous voilà pris, disciples dans le monde, au feu de l'Esprit, au Souffle divin. Nous voilà envoyés sur tous les points de différents, pour célébrer la victoire de la communion des différences, et redire la beauté de chacun dans le projet d'Alliance de Dieu. Langage nouveau qui se joue des frontières et des grammaires, langue du cœur de l'homme qui rejoint tout homme. Langue qui brûle notre humanité au feu de la charité.

           Amen.

P. Benoît Lecomte

 

Livre des Actes des Apôtres 2,1-11.
Quand arriva la Pentecôte (le cinquantième jour après Pâques), ils se trouvaient réunis tous ensemble.
Soudain il vint du ciel un bruit pareil à celui d'un violent coup de vent : toute la maison où ils se tenaient en fut remplie.
Ils virent apparaître comme une sorte de feu qui se partageait en langues et qui se posa sur chacun d'eux.
Alors ils furent tous remplis de l'Esprit Saint : ils se mirent à parler en d'autres langues, et chacun s'exprimait selon le don de l'Esprit.
Or, il y avait, séjournant à Jérusalem, des Juifs fervents, issus de toutes les nations qui sont sous le ciel.
Lorsque les gens entendirent le bruit, ils se rassemblèrent en foule. Ils étaient dans la stupéfaction parce que chacun d'eux les entendait parler sa propre langue.
Déconcertés, émerveillés, ils disaient : « Ces hommes qui parlent ne sont-ils pas tous des Galiléens ?
Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?
Parthes, Mèdes et Élamites, habitants de la Mésopotamie, de la Judée et de la Cappadoce, des bords de la mer Noire, de la province d'Asie,
de la Phrygie, de la Pamphylie, de l'Égypte et de la Libye proche de Cyrène, Romains résidant ici,
Juifs de naissance et convertis, Crétois et Arabes, tous nous les entendons proclamer dans nos langues les merveilles de Dieu. »

Psaume 104(103),1ab.24ac.29bc-30.31.34.
Bénis le Seigneur, ô mon âme ;
Seigneur mon Dieu, tu es si grand !
Quelle profusion dans tes œuvres, Seigneur !
La terre s'emplit de tes biens.

Tu reprends leur souffle, ils expirent
et retournent à leur poussière.
Tu envoies ton souffle : ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre.

Gloire au Seigneur à tout jamais !
Que Dieu se réjouisse en ses œuvres !
Que mon poème lui soit agréable ;
moi, je me réjouis dans le Seigneur.

Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 12,3b-7.12-13.

C'est pourquoi je vous le rappelle : Si l'on parle sous l'action de l'Esprit de Dieu, personne ne dit : « Jésus est un maudit » ; et personne n'est capable de dire : « Jésus est le Seigneur » sans l'action de l'Esprit Saint.
Les dons de la grâce sont variés, mais c'est toujours le même Esprit.
Les fonctions dans l'Église sont variées, mais c'est toujours le même Seigneur.
Les activités sont variées, mais c'est toujours le même Dieu qui agit en tous.
Chacun reçoit le don de manifester l'Esprit en vue du bien de tous.
Prenons une comparaison : notre corps forme un tout, il a pourtant plusieurs membres ; et tous les membres, malgré leur nombre, ne forment qu'un seul corps. Il en est ainsi pour le Christ.
Tous, Juifs ou païens, esclaves ou hommes libres, nous avons été baptisés dans l'unique Esprit pour former un seul corps. Tous nous avons été désaltérés par l'unique Esprit.

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 20,19-23.
C'était après la mort de Jésus, le soir du premier jour de la semaine. Les disciples avaient verrouillé les portes du lieu où ils étaient, car ils avaient peur des Juifs. Jésus vint, et il était là au milieu d'eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m'a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il répandit sur eux son souffle et il leur dit : « Recevez l'Esprit Saint.
Tout homme à qui vous remettrez ses péchés, ils lui seront remis ; tout homme à qui vous maintiendrez ses péchés, ils lui seront maintenus. »

 

Rédigé par Paroisse saint Jean Baptiste

Publié dans #Homélies

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