Dimanche 21 septembre 2014 : 25ème dimanche du TO A

Publié le 23 Septembre 2014

Dimanche 21 septembre 2014 : 25ème dimanche du TO A

        Je ne voudrais pas être ministre du travail, et je n'ai aucun diplôme en économie... mais il me semble, comme à beaucoup sûrement, que la méthode du maître du domaine dans l’Évangile n'est pas des plus subtile pour faire marcher l'économie. Il paraît bien plutôt encourager à l'oisiveté : il y a fort à parier que ceux qui ont travaillé toute la journée se feront embaucher le lendemain à la dernière heure, pour recevoir le même salaire. Et les règles de sa justice dépassent un peu les logiques que nous connaissons au risque de nous scandaliser, comme les ouvriers du jour.

            Pour autant, ce maître a des choses à nous apprendre sur la manière dont Dieu nous accompagne et est présent avec nous, sur le Royaume des cieux dont Jésus parle et que nous espérons.

            D'abord, il sort. Pas qu'une fois : toutes les trois heures. Il ne reste pas enfermé dans sa tour d'ivoire. Ce maître est l'image d'un Dieu qui ne s'est pas laissé enfermé dans son entité divine : il sort de lui-même, il vient nous rejoindre. « Lui qui était dans la condition de Dieu, n'a pas jugé bon de revendiquer son droit d'être traité à l'égal de Dieu ; mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur », dira Paul dans sa lettre aux Philippiens. « Le semeur est sorti pour semer », disait déjà la parabole du semeur à tous vents. Dieu sort de lui-même, comme le Fils est sorti du Père pour vivre à notre pas. Première leçon de cette parabole : le mouvement de Dieu est celui de la sortie. Belle leçon, à nous qui voulons si souvent faire entrer les gens dans nos organisations, nos schémas, nos églises, nos dogmes... Il n'y a d'ouvrier dans la vigne qu'en réponse à une sortie première.

            Ensuite, une fois sortie, ce maître embauche. Toute la journée, tous ceux qu'il rencontre. Il appelle au travail. Il ne regarde pas au CV, à la motivation, aux compétences, pas même au salaire : il embauche. Ceux qui sont au chômage savent le poids de l'acte d'embauche  : reconnaissance, ouverture d'un avenir, place dans la société, fierté de gagner sa vie... Combien autour de nous, et nous-mêmes parfois, souffrent de n'être jamais appelés, de rester transparents aux yeux des autres, d'être rejetés, oubliés... Dieu, lui, n'oublie personne dans son royaume. Il a besoin de tous. Ne croyons pas, au moins en Église, qu'un tel est moins important que tel autre ! Ce n'est pas la logique de Dieu, ce n'est pas sa façon de voir, de nous connaître. « Mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins », disait le Seigneur par la bouche d'Isaïe. Accueillons cette nouvelle leçon avec humilité. Ne passons pas à côté les uns des autres, encourageons-nous mutuellement à prendre notre part du travail à la mission ! Appelons, nous aussi ! Et n'imaginons pas que nous valons plus ou moins que les autres ! Tout le monde a sa place au travail de la vigne du royaume.

            Allons un peu plus loin, et dépassons le cadre strict de ce récit. Le maître du royaume offre le salaire qu'il veut à chacun de ses ouvriers : une pièce d'argent. Et nous voudrions, dans notre logique marchande, que ceux qui ont travaillé davantage gagnent davantage. Mais quel est véritablement le salaire que Dieu peut verser ? N'est-ce pas d'abord et uniquement son amour ? Et comment quantifier raisonnablement l'amour de Dieu ? Comment pourrait-il donner davantage à l'un qu'à l'autre ? Croyons-nous que le pape serait plus aimé de Dieu que le brigand du coin ou que nous-mêmes ? Dieu n'aime-t-il pas chacun de ses enfants d'une manière unique et pleine, comme une mère aime chacun de ses enfants, ne divisant pas mais multipliant son amour ? Et si le maître, en fait, ne pouvait pas donner moins que tout ? Et s'il ne pouvait pas diviser sa pièce d'argent par jour ? Son amour quotidien, indivisible, est totalement offert à chacun.

            Nous pouvons être choqués par le procédé économique de ce maître. Mais si nous sommes choqués, c'est sûrement parce que nous nous mettons à la place des ouvriers de la première heure. Humblement, nous pouvons aussi reconnaître que nous sommes ceux de la dernière heure, marqués par l'oisiveté, le découragement du jour, la perte de confiance, le rejet, le manque d'amour ou l'amour tordu... le péché. Mais alors, nous comprenons que nous sommes aimés infiniment par Dieu, même si nous sommes le dernier des derniers. N'y a-t-il pas là une Bonne Nouvelle, la Bonne Nouvelle du Royaume ?  Nous comprenons que Dieu ne regarde pas à nos capacités ou nos incapacités, à notre rendement, à notre production. Nous comprenons que Dieu ne nous regarde pas comme un outil, une « ressource humaine », mais comme un homme, une femme, qu'il aime. Simplement parce que nous sommes là, que nous acceptons d'entendre sa parole et son invitation à nous mettre en route et à travailler à son projet d'amour pour l'humanité, sa vigne. Joie, alors, pour nous, que de nous savoir aimés par Dieu comme si nous étions « les premiers » ! D'ailleurs, pourquoi nous comparer avec les autres, ce serait perte de temps. Mais d'accueillir l'amour de Dieu pour nous, qui nous donne tout ce qu'il est. De l'accueillir comme une plénitude pour chaque jour, un don fait à chacun.

            Comme Paul, « l'avorton », « le dernier des apôtres », arrivé et appelé après tous les autres, qui a répondu présent et qui s'est mis à proclamer la Bonne Nouvelle du Christ : à faire « un travail utile », dit-il, auprès des communautés où il était envoyé. Comme Paul qui a compris que ce travail n'était pas un travail comme les autres, rétribué comme les autres par un salaire en espèces, mais une histoire d'amour avec un peuple, au nom du Christ. Et une histoire d'amour du Christ, partagée avec un peuple. Ne serait-ce pas cela, le travail auquel Dieu nous appelle tous ? Aimer le Christ et aider les hommes à aimer le Christ ? Y a-t-il plus beau salaire que de voir l'amour grandir ? Y a-t-il plus grande joie que d'être témoins du pardon de Dieu, de sa grandeur, de sa justice, de ses pensées, de ses chemins ?

            Le maître du domaine a sûrement une autre logique que tous les ministres du travail et de l'économie du monde. Mais cette logique est aussi plus puissante, plus sûre, plus belle, parce qu'elle est logique d'amour, de don, de pardon.

            Apprenons du maître du domaine. Apprenons à entrer dans sa dynamique, personnellement et en Église. Apprenons à entrer dans la dynamique de l'amour de Dieu donné en plénitude chaque jour, dans « sa grandeur qui n'a pas de limite ».

            Amen.

P. Benoît Lecomte

Livre d'Isaïe 55,6-9.
Cherchez le Seigneur tant qu'il se laisse trouver. Invoquez-le tant qu'il est proche.
Que le méchant abandonne son chemin, et l'homme pervers, ses pensées ! Qu'il revienne vers le Seigneur qui aura pitié de lui, vers notre Dieu qui est riche en pardon.
Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins, déclare le Seigneur.
Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées.

 

Psaume 145(144),2-3.8-9.17-18.
Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.
Il est grand, le Seigneur, hautement loué ;
à sa grandeur, il n'est pas de limite.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d'amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.

Le Seigneur est juste en toutes ses voies,
fidèle en tout ce qu'il fait.
Il est proche de ceux qui l'invoquent,
de tous ceux qui l'invoquent en vérité.


Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 1,20c-24.27a.
Frères, soit que je vive, soit que je meure, la grandeur du Christ sera manifestée dans mon corps.
En effet, pour moi, vivre c'est le Christ, et mourir est un avantage.
Mais si, en vivant en ce monde, j'arrive à faire un travail utile, je ne sais plus comment choisir.
Je me sens pris entre les deux : je voudrais bien partir pour être avec le Christ, car c'est bien cela le meilleur ;
mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire.
Quant à vous, menez une vie digne de l'Évangile du Christ.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 20,1-16a.
Jésus disait cette parabole : « Le Royaume des cieux est comparable au maître d'un domaine qui sortit au petit jour afin d'embaucher des ouvriers pour sa vigne.
Il se mit d'accord avec eux sur un salaire d'une pièce d'argent pour la journée, et il les envoya à sa vigne.
Sorti vers neuf heures, il en vit d'autres qui étaient là, sur la place, sans travail.
Il leur dit : 'Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai ce qui est juste. '
Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même.
Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d'autres qui étaient là et leur dit : 'Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ? '
Ils lui répondirent : 'Parce que personne ne nous a embauchés. ' Il leur dit : 'Allez, vous aussi, à ma vigne. '
Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : 'Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers. '
Ceux qui n'avaient commencé qu'à cinq heures s'avancèrent et reçurent chacun une pièce d'argent.
Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d'argent.
En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine :
'Ces derniers venus n'ont fait qu'une heure, et tu les traites comme nous, qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur ! '
Mais le maître répondit à l'un d'entre eux : 'Mon ami, je ne te fais aucun tort. N'as-tu pas été d'accord avec moi pour une pièce d'argent ?
Prends ce qui te revient, et va-t'en. Je veux donner à ce dernier autant qu'à toi :
n'ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? '
Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

 
 

Rédigé par Paroisse saint Jean Baptiste

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