Dimanche 9 novembre 2014 : Dédicace de la Basilique du Latran

Publié le 10 Novembre 2014

Dimanche 9 novembre 2014 : Dédicace de la Basilique du Latran

           L’Église fête aujourd'hui la « dédicace de la Basilique du Latran », la basilique de l'évêque de Rome, le pape. Étrange fête, à vrai dire. Idée saugrenue que de fêter une église, un bâtiment de pierres, aussi prestigieux soit-il. Mais nous saisissons bien, à travers les textes bibliques de la liturgie, qu'il ne s'agit pas de s'extasier devant des murs aussi bien bâtis soient-ils, et des peintures aussi jolies soient-elles. A partir du bâtiment église, la fête de ce jour nous invite à nous tourner vers l’Église que nous formons, la communauté humaine et spirituelle que nous sommes, vivante de l'Esprit du Christ et pélégrinante sur la terre... Ce Peuple, cette Église faite « d'épaisseur humaine, avec son poids de péché, ses élans de grâce, son imprenable origine jusqu'en ses promesses actuelles : les héroïsmes et les saintetés de son histoire, ses crises et ses crimes, ses fiertés et ses hontes, ses insurrections et ses compromissions, ses enracinements et ses fécondations »[1]... L’Église que nous sommes, celle sur laquelle nous nous lamentons et celle avec qui nous nous réjouissons, la priante et l'active, la prophétique et la servante, celle de Rome et celle de nos quartiers, l'unique Église qui nous rassemble tous en une unique construction faite apparemment de bric et de broc mais qui tient grâce à sa tête qui se trouve être ses fondations : Jésus-Christ. « Vous êtes le temple de Dieu, et l'Esprit de Dieu habite en vous », n'hésite pas à dire saint Paul. Et les disciples, après la résurrection, de comprendre que le Temple dont parlait Jésus, c'était son Corps, son corps ressuscité vivant de l'Ecriture et du partage : l’Église. Celle de la Pentecôte, celle du grand large, de l'humanité de tous les temps et de tous les lieux, traversant les cultures, les continents, les histoires, les coutumes. Celle qui veut porter le message de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ à chaque homme avec un infini respect, une infinie bonté, avec simplicité et joie.

            Deux questions nous sont aujourd'hui posées, à l'occasion de cette fête.

            D'abord, à travers la lettre de saint Paul, la question de nos fondations. Quelles sont nos bases ? Sur quoi sommes-nous construits ? Cette question est posée à l’Église, l'universelle et la locale, jusqu'à notre petite communauté chrétienne, jusqu'à ces « Églises domestiques » que sont nos familles. Sur quoi, sur qui sommes-nous fondés ? Sur qui nous appuyons-nous ? Où en sommes-nous de notre relation avec Jésus-Christ, le Fils Tout-Puissant d'amour, notre frère en humanité, le Ressuscité Vivant à jamais ? Où en sommes-nous de notre relation de confiance, intime, personnelle avec lui ? Les chrétiens habitués peuvent  devenir des « habitués » de Jésus, plus que des « familiers ». Le risque est encore plus grand pour ceux qui travaillent en Église (les prêtres, les religieux et religieuses, les consacrés, les théologiens, les laïcs aux engagements de toutes sortes...) : Jésus peut devenir notre « gagne-pain » ! et nous des actifs associatifs... Où en sommes-nous de notre dialogue intérieur avec lui ? De l'écoute de sa Parole ? Est-il celui qui apaise notre cœur, nourri notre foi, notre espérance et notre charité, donne vie à notre existence ? Celui que nous remercions pour ce qui nous est donné, que nous célébrons dans nos liturgies ? Est-il ce « roc » sur lequel la maison ne tombe pas, la construction ne s'écroule pas, le Temple tient bon ?

            L'autre question nous est posée par l'attitude de Jésus. On a l'habitude de parler de Jésus ou d'entendre parler de lui en terme de douceur, de bienveillance et de pardon. On en a fait le « petit Jésus » doux et sucré... Et le voilà violent, chassant les marchands et les changeurs à coup de fouet, renversant les étales et les tables, brisant ce qui se trouve à sa portée. Un Jésus en colère vient faire le ménage. Quels noms ont-ils pu prendre, ces marchands et ces changeurs, figures de nos compromis, nos lourdeurs, nos inerties, nos certitudes, nos habitudes... Dans notre façon de faire, d'accueillir, de nous accueillir, dans nos relations, nos paroles, nos regards... Sûrement y en a-t-il, des choses à enlever ou à faire enlever par le Christ, pour qu'il vienne faire lui-même de notre humanité et de son Église « une maison de prière », c'est-à-dire une maison de simplicité et d'unité, de réconciliation et de paix, de communion et de louange.

            Nous en parlions le jour de la Toussaint, à l'occasion du lancement de la campagne pour les chantiers diocésains, les diagnostiques de nos églises nous obligent à faire des travaux pour sécuriser les locaux, mais aussi pour les rendre accessibles au plus grand nombre. L'image de la construction parle encore : notre Église, communauté chrétienne locale et universelle, est-elle accessible au plus grand nombre, à tous, même ? Le diagnostique est ici spirituel et pastoral, à faire à la lueur de l’Évangile, à l'écoute de l'Esprit et dans la fraternité du quotidien. Ne mettons-nous pas des barrières aux uns ou aux autres, à ceux que nous ne connaissons pas assez, qui ne comprennent pas nos plannings ou ne connaissent pas nos organisations ? Les pauvres et les petits – et chacun de nous l'est à sa façon -  les fragiles et les handicapés, les malades et les rejetés ont-ils toute leur place ? Plus encore, sont-ils des pierres de fondations ? Car ce sont  leurs visages et leurs conditions que Jésus a pris pour venir rejoindre notre humanité.

            A travers ces textes de la Bible, la Parole de Dieu vient réveiller notre vie de chrétien et le baptême que nous avons reçu. Elle vient secouer la poussière de notre vie d’Église qui dépasse pourtant ce que l'on en voit. « Vous êtes le temple de Dieu », la construction sainte au milieu du monde, non pas pour nous couper du monde ou nous fermer de lui à coup de murs, mais pour devenir un havre prophétique de paix et de liberté, de vérité et de justice au milieu de l'humanité.

            Ré-enracinons-nous encore en Christ. Laissons-le entrer en nous et en nos relations pour le laisser lui-même faire le ménage nécessaire et chasser ce qui nous empêche de vivre à la hauteur de notre véritable vocation. Remettons notre confiance en l'Esprit de Dieu qui habite en nous. Et désormais libre de tout péché et de toute peur, laissons-nous entraîner dans l'aventure extraordinaire que nous propose notre Dieu, l'aventure de la vie de l’Église pour ce qu'elle est en son mystère... et qui nous dépasse infiniment.

            Amen.

P. Benoît Lecomte

 

[1]    Robert Sholtus, Petit christianisme de tradition, Bayard, p 10.

Livre d'Ézéchiel 47,1-2.8-9.12.
Au cours d'une vision reçue du Seigneur, l'homme qui me guidait me fit revenir à l'entrée du Temple, et voici : sous le seuil du Temple, de l'eau jaillissait en direction de l'orient, puisque la façade du Temple était du côté de l'orient. L'eau descendait du côté droit de la façade du Temple, et passait au sud de l'autel.
L'homme me fit sortir par la porte du nord et me fit faire le tour par l'extérieur, jusqu'à la porte qui regarde vers l'orient, et là encore l'eau coulait du côté droit.
Il me dit : « Cette eau coule vers la région de l'orient, elle descend dans la vallée du Jourdain, et se déverse dans la mer Morte, dont elle assainit les eaux.
En tout lieu où parviendra le torrent, tous les animaux pourront vivre et foisonner. Le poisson sera très abondant, car cette eau assainit tout ce qu'elle pénètre, et la vie apparaît en tout lieu où arrive le torrent.
Au bord du torrent, sur les deux rives, toutes sortes d'arbres fruitiers pousseront ; leur feuillage ne se flétrira pas et leurs fruits ne manqueront pas. Chaque mois ils porteront des fruits nouveaux, car cette eau vient du sanctuaire. Les fruits seront une nourriture, et les feuilles un remède.

 

Psaume 46(45),2-3.5-6.8-9a.10a.
Dieu est pour nous refuge et force,
secours dans la détresse, toujours offert.
Nous serons sans crainte si la terre est secouée,
si les montagnes s'effondrent au creux de la mer ;

Le Fleuve, ses bras réjouissent la ville de Dieu,
la plus sainte des demeures du Très-Haut.
Dieu s'y tient : elle est inébranlable ;
quand renaît le matin, Dieu la secourt.

Il est avec nous, le Seigneur de l'univers ;
citadelle pour nous, le Dieu de Jacob !
Venez et voyez les actes du Seigneur,  
Il détruit la guerre jusqu'au bout du monde.

 

Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 3,9b-11.16-17.
Frères, vous êtes la maison que Dieu construit.
Comme un bon architecte, avec la grâce que Dieu m'a donnée, j'ai posé les fondations. D'autres poursuivent la construction ; mais que chacun prenne garde à la façon dont il construit.
Les fondations, personne ne peut en poser d'autres que celles qui existent déjà : ces fondations, c'est Jésus Christ.
N'oubliez pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous.
Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est sacré, et ce temple, c'est vous.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 2,13-22.
Comme la Pâque des Juifs approchait, Jésus monta à Jérusalem.
Il trouva installés dans le Temple les marchands de bœufs, de brebis et de colombes, et les changeurs.
Il fit un fouet avec des cordes, et les chassa tous du Temple ainsi que leurs brebis et leurs bœufs ; il jeta par terre la monnaie des changeurs, renversa leurs comptoirs,
et dit aux marchands de colombes : « Enlevez cela d'ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. »
Ses disciples se rappelèrent cette parole de l'Écriture : L'amour de ta maison fera mon tourment.
Les Juifs l'interpellèrent : « Quel signe peux-tu nous donner pour justifier ce que tu fais là ? »
Jésus leur répondit : « Détruisez ce Temple, et en trois jours je le relèverai. »
Les Juifs lui répliquèrent : « Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce Temple, et toi, en trois jours tu le relèverais ! »
Mais le Temple dont il parlait, c'était son corps.
Aussi, quand il ressuscita d'entre les morts, ses disciples se rappelèrent qu'il avait dit cela ; ils crurent aux prophéties de l'Écriture et à la parole que Jésus avait dite.


 

Rédigé par Paroisse saint Jean Baptiste

Publié dans #Homélies

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