Dimanche 18-09-11 25ème dimanche ordinaire A

Publié le 18 Septembre 2011

A ceuxdiscrimination.jpg qui trouveraient l’Evangile bien loin de nos réalités terrestres, il faut relire les textes de ces derniers jours et de ces dernières semaines. Encore une fois, nous voilà face à une parabole mettant en scène une question économique et sociale qui interroge de près nos préoccupations. Mais là encore, il nous faut nous rendre à l’évidence : la logique développée n’est pas du tout rentable. Donner le même salaire à tous les salariés quelque soit leur temps de travail devrait être inefficace du point de vue de la motivation du personnel. Il y a fort à parier que les ouvriers de la 1ère heure reviendront le lendemain à la dernière heure pour gagner la même somme d’argent en ayant travaillé le moins possible.

Mais Jésus ne nous invite pas à regarder le résultat. « Le Royaume des cieux est comparable au maître d’un domaine ». C’est ce maître du domaine qui est montré en exemple et  que nous pouvons observer. Certes, sa façon de faire n’est sûrement pas celle que nous aurions eu. Mais « mes chemins ne sont pas vos chemins », dit le Seigneur par la bouche d’Isaïe. Et c’est bien au Seigneur que nous voulons ressembler. Observons donc ce maître, dont l’activité se résume finalement à trois actions : il sort, il embauche et il distribue les salaires.

Il sort. Au petit jour, à 9h, à midi, à 3h et à 5h. Ce chef d’entreprise ne reste pas dans son bureau à regarder ses petites affaires ni à compter ses sous : il passe son temps à sortir sur les places pour embaucher. Il aurait pu envoyer son intendant ou des DRH pour cela, mais visiblement, il préfère sortir lui-même. Or l’action de sortir nous dit évidemment la dynamique du Fils qui sort du Père pour partager notre humanité. En Jésus, c’est Dieu qui sort de lui-même. « Je suis sorti du Père et je suis venu dans le monde », dira Jésus dans l’évangile selon saint Jean (Jn 16, 27). Dieu sort de Lui-même pour rencontrer l’homme dans sa vérité en se faisant l’un de nous. La sortie de soi, c’est la façon même de Dieu de se donner et de se communiquer. Sortir est une qualité de l’être de Dieu parce qu’elle indique son être missionnaire.

Cette qualité, cette dynamique, nous la retrouvons dans l’Eglise que nous formons. L’Eglise n’a de sens que parce qu’elle est tournée vers ce qui n’est pas elle-même. « Oublierait-on que l’Eglise n’a principalement de sens que pour ceux qui n’en sont pas », disait un théologien[1]. L’Eglise n’a aucune valeur pour elle-même, elle est avant tout à l’image du Christ, sa Tête. Elle est par nature missionnaire. Le 16 octobre prochain nous promulguerons des Orientations diocésaines pour la catéchèse à tous les âges de la vie sous le signe de l’initiation. Les évêques de France commençaient en 1997 le Directoire général pour la catéchèse en rappelant ce que disait Vatican II sur cette nature missionnaire de l’Eglise : « Elle-même tire son origine de la mission du Fils et de la mission du Saint-Esprit, selon le dessein de Dieu le Père.» Cela nous fait remonter à la seule source, à la seule personne qui initie tout chemin vers Dieu : le Christ. C’est Dieu lui-même qui initie, qui est le sujet actif du verbe « initier », et c’est toute l’Eglise qui catéchise parce qu’elle participe au même mouvement de sortie de soi-même : comme le Fils est sorti du Père, l’Eglise sort d’elle-même. Elle n’a de sens que parce qu’elle prend le visage du semeur de l’Evangile (Mc 4) pour annoncer la Bonne Nouvelle. Elle n’est elle-même que parce qu’elle est sans cesse tournée vers toute l’humanité, non pas pour amener l’humanité à elle, mais pour témoigner de l’extraordinaire nouveauté du Ressuscité.

Nous voilà sommés d’éviter tout repliement et tout enfermement dans nos cercles conventionnés : c’est au grand air et au grand large de l’humanité que se laisse découvrir le mystère de l’Eglise !

 

Le maître du domaine sort pour embaucher. Et il embauche tous ceux qui le veulent bien. Il ne demande pas de CV, ne regarde pas les compétences ou les connaissances, ne cherche pas les motivations, il embauche. Pourquoi ceux de la dernière heure n’ont-ils pas été embauchés par d’autres ? Lui s’en moque et ne leur pose pas de question : il les appelle à travailler. Les chômeurs le savent trop, il n’y a rien de pire que de rester là sans jamais être embauché par personne. Et on connaît l’histoire du démarrage de l’aventure d’Emmaüs, quand l’abbé Pierre demande à un homme qui allait se suicider de le suivre, parce qu’il a un service à lui demander. L’appel, l’embauche devient une question de respect de la dignité de l’autre. Et si le maître n’hésite pas à embaucher tout le monde, l’Eglise aussi est invitée à élargir sa façon d’embaucher et d’appeler. Il y a un an, dans sa lettre pastorale, notre évêque nous incitait à appeler largement. Laissons résonner des appels au nom de Dieu, au nom du Christ, à tous ceux que nous croisons. Par amour. Par respect. Parce que quelque soit les connaissances, les compétences, le temps disponible, chacun doit être invité à travailler à la vigne. L’Eglise, qui n’est pas pour elle-même, est inscrite dans la pâte humaine. Et elle a besoin de tous pour construire une humanité fraternelle et juste, quelque soit ce que chacun pourra donner. La moindre pierre, fut-elle un doute ou une question, a son importance.

 

Enfin, ce maître paye ses salariés. De façon assez injuste pour les premiers arrivés,035A.jpg mais il donne à chacun ce qu’il a promis. Ce maître, notre Dieu, tient parole. Il réalise sa promesse. Mais encore, il donne à tous la même chose. Son amour (car c’est bien le seul salaire qu’il puisse réellement donner !) est le même pour chacun. L’amour ne se divise pas, il se multiplie et se partage. Il en va de la même façon que de l’amour des parents pour leurs enfants, qui ne diminue pas pour chacun au fur et à mesure de l’arrivée de nouveaux frères ou sœurs. Il en va ainsi dans les sacrements : à chaque célébration, c’est tout l’Esprit, c’est tout le Christ, c’est tout Dieu qui se donne totalement à nous, quelques soient nos mérites.

Nous ne sommes pas, nous ne vivons pas, nous ne travaillons pas les uns contre les autres, dans une compétition absurde où il faudrait finir premier. Notre liberté ne se construit pas contre celle des autres, mais avec, dans une saine (et sainte ?) complémentarité. Et si certains donnent plus, ou travaillent plus, ils n’auront qu’une seule joie : celle d’avoir donné. La bonté ne se comptabilise pas non plus.

 

« Vivre, c’est le Christ !» « Menez une vie digne de l’Evangile du Christ !», clame saint Paul. Prenons, personnellement et ecclésialement, modèle sur ce maître de domaine. Il sort, nous embauche, nous comble de son salaire, et nous invite, en Eglise, à le suivre et l’imiter.

Pour que grandisse le Royaume des cieux.               Amen.

P. Benoît Lecomte

[1] Alphonse Borras, canoniste Belge

 

 

Livre d'Isaïe 55,6-9.
Cherchez le Seigneur tant qu'il se laisse trouver. Invoquez-le tant qu'il est proche.
Que le méchant abandonne son chemin, et l'homme pervers, ses pensées ! Qu'il revienne vers le Seigneur qui aura pitié de lui, vers notre Dieu qui est riche en pardon.
Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et mes chemins ne sont pas vos chemins, déclare le Seigneur.
Autant le ciel est élevé au-dessus de la terre, autant mes chemins sont élevés au-dessus des vôtres, et mes pensées, au-dessus de vos pensées.

Psaume 145(144),2-3.8-9.17-18.
Chaque jour je te bénirai,
je louerai ton nom toujours et à jamais.
Il est grand, le Seigneur, hautement loué ;
à sa grandeur, il n'est pas de limite.

Le Seigneur est tendresse et pitié,
lent à la colère et plein d'amour ;
la bonté du Seigneur est pour tous,
sa tendresse, pour toutes ses œuvres.

Le Seigneur est juste en toutes ses voies,
fidèle en tout ce qu'il fait.
Il est proche de ceux qui l'invoquent,
de tous ceux qui l'invoquent en vérité.


Lettre de saint Paul Apôtre aux Philippiens 1,20c-24.27a.
C'est ce que j'attends avec impatience, et c'est ce que j'espère. Je n'aurai donc rien à regretter ; au contraire, je garde toute mon assurance, maintenant comme toujours ; soit que je vive, soit que je meure, la grandeur du Christ sera manifestée dans mon corps.
En effet, pour moi, vivre c'est le Christ, et mourir est un avantage.
Mais si, en vivant en ce monde, j'arrive à faire un travail utile, je ne sais plus comment choisir.
Je me sens pris entre les deux : je voudrais bien partir pour être avec le Christ, car c'est bien cela le meilleur ;
mais, à cause de vous, demeurer en ce monde est encore plus nécessaire.
Quant à vous, menez une vie digne de l'Évangile du Christ. Soit que je vienne vous voir, soit que de loin j'entende parler de vous, il faut que vous teniez bon dans un seul esprit : luttez ensemble, d'un seul cœur, pour la foi en l'Évangile.

Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 20,1-16a.
Jésus disait cette parabole : « Le Royaume des cieux est comparable au maître d'un domaine qui sortit au petit jour afin d'embaucher des ouvriers pour sa vigne.
Il se mit d'accord avec eux sur un salaire d'une pièce d'argent pour la journée, et il les envoya à sa vigne.
Sorti vers neuf heures, il en vit d'autres qui étaient là, sur la place, sans travail.
Il leur dit : 'Allez, vous aussi, à ma vigne, et je vous donnerai ce qui est juste. '
Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers midi, puis vers trois heures, et fit de même.
Vers cinq heures, il sortit encore, en trouva d'autres qui étaient là et leur dit : 'Pourquoi êtes-vous restés là, toute la journée, sans rien faire ? '
Ils lui répondirent : 'Parce que personne ne nous a embauchés. ' Il leur dit : 'Allez, vous aussi, à ma vigne. '
Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : 'Appelle les ouvriers et distribue le salaire, en commençant par les derniers pour finir par les premiers. '
Ceux qui n'avaient commencé qu'à cinq heures s'avancèrent et reçurent chacun une pièce d'argent.
Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d'argent.
En la recevant, ils récriminaient contre le maître du domaine :
'Ces derniers venus n'ont fait qu'une heure, et tu les traites comme nous, qui avons enduré le poids du jour et de la chaleur ! '
Mais le maître répondit à l'un d'entre eux : 'Mon ami, je ne te fais aucun tort. N'as-tu pas été d'accord avec moi pour une pièce d'argent ?
Prends ce qui te revient, et va-t'en. Je veux donner à ce dernier autant qu'à toi :
n'ai-je pas le droit de faire ce que je veux de mon bien ? Vas-tu regarder avec un œil mauvais parce que moi, je suis bon ? '
Ainsi les derniers seront premiers, et les premiers seront derniers. »

 

 


Rédigé par Paroisse Saint Jean Baptiste Angouleme

Publié dans #Homélies

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