Faire droit au sacerdoce des baptisés

Publié le 14 Janvier 2011

Voici un texte de Jean Rigal, théologien, publié dans le journal "La Croix" du 14-01-11 qui poursuit la réflexion de l'assemblée paroissiale du mercredi 12-01-11.

 

Faire droit au sacerdoce des baptisés

 Jean Rigal, théologien

 

 

Donner toute son importance à la « vocation baptismale » est primordial aux yeux de Vatican II et ouvre des chemins nouveaux. Il est urgent d’en tirer les conséquences en imaginant d’autres formes de vie ecclésiale.

 

Il n’est pas rare aujourd’hui d’entendre parler de l’Église en termes de déclin, de vieillissement, de discrédit, de repli identitaire. Le fait que certains s’emploient à relativiser ce diagnostic en évoquant la situation d’autres continents ne change rien à la réalité que nous vivons, en France et dans la plupart des pays occidentaux. D’ailleurs, la Lettre aux catholiques de France, en 1996, reconnaissait cet état des lieux :

 

« Nous ne pouvons pas nous masquer les indices préoccupants qui concernent la baisse de la pratique religieuse, la perte d’une certaine mémoire chrétienne, et les difficultés de la relève. C’est la place et l’avenir de la foi qui sont en question dans notre société. »

 

L’Église ne peut se contenter de prendre acte de cette réalité. Elle se doit de réagir. En l’occurrence, la tentation est grande de rechercher les causes de dépérissement au dehors de l’institution ecclésiale : importance de la sécularisation, difficultés d’un engagement, surtout à long terme, individualisme ambiant, poursuite du profit et du bien-être….. Et si ce constat est, pour une part, fondé, il est improductif d’en rester là. Surtout, il peut donner facilement bonne conscience et entretenir l’idée qu’il ne faut rien changer dans l’Église, qu’il  faut maintenir autant et aussi longtemps que possible ce qui existe, sans remettre en question une manière de « faire Église » dans et pour les temps que nous vivons.

 

La communauté ecclésiale n’est pas totalement démunie pour y faire face. Pour les catholiques, les ouvertures du Concile Vatican II sont une référence précieuse qu’on est loin, à ce jour, d’avoir vraiment mise en œuvre. La constitution Lumen gentium enseigne que la communauté des chrétiens est première par rapport à la diversité des charges et des services. Le Concile a remis en valeur « le sacerdoce commun » des baptisés qui s’exerce dans l’écoute de la Parole de Dieu, la célébration de la mission (n°10 à 12). C’est là une voie porteuse d’avenir dont l’application dépend entièrement de nous, avec la force de l’Esprit.

 

En réalité, sur ce point, Vatican II ne fait que réactualiser, pour notre temps, ce que nous apprend le Nouveau Testament sur l’Église des origines. A aucun moment, aux temps apostoliques, on ne parle du « sacerdoce des prêtres ». Ce langage restrictif n’est apparu qu’à partir du début du IIIème siècle. Dans le Nouveau Testament, le mot « sacerdoce » est réservé au Christ dans la lettre aux Hébreux, et au peuple des baptisés dans la 1ère lettre de Pierre et dans l’Apocalypse. À plusieurs reprises, l’Apôtre Paul s’exprime en « consonance »  avec cet enseignement. Ainsi écrit-il aux chrétiens de Corinthe : « Le temple de Dieu est saint et ce temple c’est vous » (3,17). « Le royaume de prêtres » dont parle l’Apocalypse, ou « le peuple de prêtres » comme nous le chantons parfois, est donc habilité à « faire monter vers Dieu l’action de grâces », pour reprendre une formule de saint Paul. Sans idéaliser exagérément l’Église primitive, on voit donc fleurir dans ces premières communautés chrétiennes, une grande diversité de ministères en lien avec les «  Douze » apôtres et les responsables des Églises « établis par eux pour leur succéder », selon l’expression  de Clément de Rome à la fin du Ier siècle.

 

Telle est bien l’insistance de Vatican II : mettre en relief la vocation commune des chrétiens, en vertu d’une égalité fondamentale de tous les baptisés. Donner toute son importance à la « vocation baptismale » est primordial aux yeux du Concile et ouvre des chemins nouveaux Il est urgent d’en tirer les conséquences en imaginant d’autres formes de vie ecclésiale.

 

À plusieurs reprises, le Livre des Actes des Apôtres indique quels sont les éléments constitutifs d’une communauté de disciples selon l’Évangile. Elle comporte quatre piliers : l’enseignement des Apôtres qui portait, au début du moins, sur les évènements de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus, la communion fraternelle, la fraction du pain en mémoire du Seigneur et enfin les prières.

Ces petites communautés de disciples apparaissent comme une source de renouveau et d’espérance en prise avec notre temps. Le Synode romain de 1987 demandait qu’on les multiplie, précisant ainsi leur contenu : « Se communiquer mutuellement la Parole de Dieu et s’exprimer dans le service de l’amour ». Mais ces deux composantes ne sont pas limitatives. Ces communautés prendront des formes diverses, liées à la diversité de leurs membres et au contexte social et ecclésial dans lequel elles s’insèrent et qu’elles doivent prendre en compte.

 

Des objections ne manqueront pas de surgir. Il faudrait être attentif à celles qui proviennent d’un monde clérical (composé de ministres ordonnés ou de laïcs) soucieux de préserver l’exercice du pouvoir qu’il détient encore. On ne manquera pas de relever les menaces « sectaires » de communautés repliées sur elles-mêmes. Ce risque est réel mais il n’est pas insurmontable, dans la mesure où ces communautés ne restent pas isolées, participant à des rassemblements plus larges qu’elles peuvent animer à leur tour, sont en lien avec le ministère global de l’évêque et des prêtres au service de l’unité et de l’universalité de l’Église.

 

Une telle volonté pastorale ne cherche nullement à pallier la diminution des effectifs, ce qui serait une perspective peu stimulante et incertaine. Elle prend le problème autrement. Il s’agit, bien plutôt, d’une nouvelle manière de « faire Église » et de permettre aux chrétiens d’exercer, de plein droit, le sacerdoce baptismal qu’on leur a trop longtemps confisqué.

 


 


Rédigé par Paroisse Saint Jean Baptiste Angouleme

Publié dans #Méditation

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