Samedi 15 juin 2013 : 11ème dimanche TO C

Publié le 16 Juin 2013

Samedi 15 juin 2013 : 11ème dimanche TO C

Homélie du P. Benoit Lecomte

Je ne suis pas très calé en économie et je ne suis pas les cours de la bourse en continu sur mon écran, mais j'ai cru comprendre que le problème de la Grèce, de la France, des Etats-Unis et de bien d'autres, c'est leur dette. Alors il faut chercher à réduire cette dette, chacun proposant ses moyens et ses méthodes : austérité, relance, dépenses, maîtrises budgétaires, impôts, croissance, décroissance, etc.

Si la dette est la bête noire des états, des collectivités, parfois des familles ou des individus, elle est la chance des chrétiens. Je ne parle évidemment plus de dette financière, mais de dette d'amour. Il me semble que c'est ce que raconte Jésus à Simon le pharisien, avec cette histoire de débiteurs et de créances à rembourser. Et plus encore avec cette femme, cette « pécheresse », comme l'ont catalogué les gens de la ville, de sorte qu'elle ne puisse plus être vue autrement qu'à partir de ses actes considérés comme immoraux, n'ayant même plus de prénom. Or c'est à elle que Jésus pardonne les péchés, et c'est à elle qu'il déclare : « Ta foi t'a sauvée ! »

A ceux qui cherchent à « avoir la foi » ou qui disent l'avoir, voilà que la foi se présente comme non un avoir, mais au contraire comme une dette. Un manque. Un espace. Un abysse, même. Un abysse impossible à combler de soi-même. Ce que sait cette femme, ce qu'elle reconnaît, et ce que n'imagine pas Simon le pharisien. Lui se considère sûrement juste, assez religieux et pratiquant pour avoir droit au salut de Dieu. Il se considère tout proche de Dieu, intime avec Lui. Mais impossible pour elle de se sauver, de s'ajuster par ses propres forces au regard de Dieu... Elle est trop loin, trop petite, trop incapable, trop enfermée. Elle n'a pas d'issue possible, il lui faut de l'aide... Alors en reconnaissant cet espace et ce manque, cette dette qu'elle ne pourra jamais combler ou rembourser d'elle-même, elle permet au Christ de l'approcher... et de la pardonner. « Ta foi t'a sauvé », lui dit Jésus. En reconnaissant ta dette, ton incapacité à faire de toi-même tout le chemin, tu as permis à Dieu de venir à toi et de t'ajuster à Lui. De te sauver.

Beau témoignage de foi ! D'une foi qui n'est pas présentée comme une somme de dogmes à connaître, ou de certitudes sur l'existence de Dieu... ni même d'une assurance en la résurrection du Christ. Mais une foi que l'on découvre comme une confiance, un acte d'amour, plus encore une demande d'amour plus grand que celui que l'on arrive à vivre soi-même. La foi comprise comme une expérience, l'expérience d'une relation avec le Seigneur... et quelle expérience cette femme vit-elle, en public, elle qui, n'ayant plus rien à perdre, se donne de tout son corps au Christ ! Rien ne servirait d'annoncer ou de proclamer la résurrection de Jésus si elle ne restait pour nous qu'une idée, un dogme, un principe, une parole, et si elle n'était pas déjà une réalité que nous vivons ou pourrions vivre ! Ensuite, dans un deuxième mouvement, vient la nécessité de pouvoir dire cette expérience, et de la transmettre. C'est là que viennent les mots – et pourquoi pas les mots de la Tradition de l’Église, et le credo.

Cette expérience, c'est encore celle que fait saint Paul à sa façon : « Ma vie aujourd'hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est livré pour moi. » Paul est comme la femme de l'évangile - et comme David dans le livre des Rois - : il sait tout ce que Jésus pourrait lui reprocher, il connaît son passé et le mal qu'il a fait. Et il sait aussi, humblement, qu'il ne peut pas se sauver par lui-même de cet enfermement, de cette peur, du désespoir, de la culpabilité et du non-avenir. Il sait de l'intérieur que seul Jésus, qui l'a aimé jusqu'au bout, a la capacité de le rejoindre et de le pardonner, de le relever.

Entendons-nous bien : ce qui est premier n'est pas la reconnaissance de notre dette envers Dieu et de notre incapacité à aimer et à être juste. Ce serait désespérant. Ce qui est premier dans notre foi en Dieu, c'est l'amour de Dieu pour nous. Et notre foi devient reconnaissance de cet amour, de l'immensité de cet amour qui va jusqu'au pardon et à la résurrection... et reconnaissance de la distance entre l'amour de Dieu pour nous et notre amour pour Lui, de notre dette.

Bienheureuse dette, alors ! qui nous offre de pouvoir vivre une relation de confiance et d'amour !

La foi comme non-avoir et comme dépossession, comme distance ouvrant au salut de l'homme... Ne serait-ce pas la grâce à demander au Christ pour nous-mêmes et pour tous les hommes et les femmes de notre quartier qui ont vécu de plein fouet la violence de la destruction d'un centre social cette semaine ? Et qui, dans la même semaine, faisaient mémoire d'un homme, Jean Sébire, qui aura cherché par son travail et sa vie, à faire que des liens d'humanités se nouent et grandissent ? Heureuse coïncidence, si j'ose dire, que ces deux événements qui, tous les deux, ont fait se regrouper des gens dans la rue pour redire combien un avenir commun est possible, combien la solidarité est indispensable, combien le respect de la dignité de chacun passe aussi par le respect du bien commun et de l'engagement pour tous. Question de confiance, et donc de foi. De pardon, et de relèvement. D'espace et de possibilité d'être en relation. De regard (celui du Christ sur la femme, celui de la femme sur le Christ, et du notre sur les autres...). De dette d'amour aussi, que nous ne pourrons jamais rembourser par nos seules forces, mais que l'amour de Dieu et sa présence peuvent nous aider à reconnaître et à combler. Jusqu'au pardon. Jusqu'au salut. Jusqu'à la paix.

« Va, ta foi t'a sauvé. Va en paix ». Que cette parole de Jésus rejoigne chacun de nous au plus profond de nous-mêmes, jusqu'à l'intime de nos vies... réveillant notre foi, et notre désir d'aimer toujours davantage. Et de grandir dans cet amour jusqu'à pouvoir dire, avec saint Paul, dans une parole d'amour absolu et reconnaissant que tout nous vient d'un Autre : « Je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi. »

Amen.

P. Benoît Lecomte

Textes du jour

Deuxième livre de Samuel 12,7-10.13.
Après le péché de David, le prophète Natan vint le trouver et lui dit : « Ainsi parle le Seigneur Dieu d'Israël: Je t'ai sacré roi d'Israël, je t'ai sauvé de la main de Saül,
puis je t'ai donné la maison de ton maître, je t'ai donné les épouses du roi ; je t'ai donné la maison d'Israël et de Juda et, si ce n'est pas encore assez, j'y ajouterai tout ce que tu voudras.
Pourquoi donc as-tu méprisé le Seigneur en faisant ce qui est mal à ses yeux ? Tu as frappé par l'épée Ourias le Hittite ; sa femme, tu l'as prise pour femme ; lui, tu l'as fait périr par l'épée des fils d'Ammon.
Désormais, l'épée ne cessera plus de frapper ta maison, pour te punir, parce que tu m'as méprisé et que tu as pris la femme d'Ourias le Hittite pour qu'elle devienne ta femme.
David dit à Nathan : « J'ai péché contre le Seigneur ! » Nathan lui répondit : « Le Seigneur a pardonné ton péché, tu ne mourras pas.

Psaume 32(31),1-2.5abcd.5ef.7.10bc-11.
Heureux l'homme dont la faute est enlevée,
et le péché remis !
Heureux l'homme dont le Seigneur ne retient pas l'offense,
dont l'esprit est sans fraude !

Je t'ai fait connaître ma faute,
je n'ai pas caché mes torts.
J'ai dit : « Je rendrai grâce au Seigneur
en confessant mes péchés. »  

Et toi, tu as enlevé
l'offense de ma faute.
Tu es un refuge pour moi,
mon abri dans la détresse ;
de chants de délivrance, tu m'as entouré.

L'amour du Seigneur entourera
ceux qui comptent sur lui.
Que le Seigneur soit votre joie ! hommes justes !
Hommes droits, chantez votre allégresse !

Lettre de saint Paul Apôtre aux Galates 2,16.19-21.
Frères, nous le savons bien, ce n’est pas en observant la loi que l’homme devient juste devant Dieu, mais seulement par la foi en Jésus Christ ; c’est pourquoi nous avons cru en Jésus Christ pour devenir des justes par la foi au Christ, mais non par la pratique de la loi de Moïse,car personne ne devient juste en pratiquant la Loi.
Grâce à la Loi (qui a fait mourir le Christ) j'ai cessé de vivre pour la Loi afin de vivre pour Dieu. Avec le Christ, je suis fixé à la croix :
je vis, mais ce n'est plus moi, c'est le Christ qui vit en moi. Ma vie aujourd'hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m'a aimé et qui s'est livré pour moi.
Il n'est pas question pour moi de rejeter la grâce de Dieu. En effet, si c'était par la Loi qu'on devient juste, alors le Christ serait mort pour rien.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 7,36-50.8,1-3.
Un pharisien avait invité Jésus à manger avec lui. Jésus entra chez lui et prit place à table.
Survint une femme de la ville, une pécheresse. Elle avait appris que Jésus mangeait chez le pharisien, et elle apportait un vase précieux plein de parfum.
Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, à ses pieds, et ses larmes mouillaient les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et y versait le parfum.
En voyant cela, le pharisien qui avait invité Jésus se dit en lui-même : « Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. »
Jésus prit la parole : « Simon, j'ai quelque chose à te dire. - Parle, Maître. »
Jésus reprit : « Un créancier avait deux débiteurs ; le premier lui devait cinq cents pièces d'argent, l'autre cinquante.
Comme ni l'un ni l'autre ne pouvait rembourser, il remit à tous deux leur dette. Lequel des deux l'aimera davantage ? »
Simon répondit : « C'est celui à qui il a remis davantage, il me semble. - Tu as raison », lui dit Jésus.
Il se tourna vers la femme, en disant à Simon : « Tu vois cette femme ? Je suis entré chez toi, et tu ne m'as pas versé d'eau sur les pieds ; elle, elle les a mouillés de ses larmes et essuyés avec ses cheveux.
Tu ne m'as pas embrassé ; elle, depuis son entrée, elle n'a pas cessé d'embrasser mes pieds.
Tu ne m'as pas versé de parfum sur la tête ; elle, elle m'a versé un parfum précieux sur les pieds.
Je te le dis : si ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, c'est à cause de son grand amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. »
Puis il s'adressa à la femme : « Tes péchés sont pardonnés. »
Les invités se dirent : « Qui est cet homme, qui va jusqu'à pardonner les péchés ? »
Jésus dit alors à la femme : « Ta foi t'a sauvée. Va en paix ! »
Ensuite Jésus passait à travers villes et villages, proclamant la Bonne Nouvelle du règne de Dieu. Les Douze l'accompagnaient,
ainsi que des femmes qu'il avait délivrées d'esprits mauvais et guéries de leurs maladies : Marie, appelée Madeleine (qui avait été libérée de sept démons),
Jeanne, femme de Kouza, l'intendant d'Hérode, Suzanne, et beaucoup d'autres, qui les aidaient de leurs ressources.

Rédigé par Paroisse saint Jean Baptiste

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