Samedi 14 février 2015 : 6ème dimanche TO B

Publié le 15 Février 2015

Samedi 14 février 2015 : 6ème dimanche TO B

          Les épidémies de grippe et de gastro de ces dernières semaines nous invitent à beaucoup de précaution. La contagion favorise la distance. Aux premiers symptômes, on se dit « bonjour de loin » pour éviter la diffusion des microbes. Combien de bises manquées ce dernier mois simplement pour se protéger ! Et l'on a plutôt raison d'ailleurs. Je remercie toutes celles et tous ceux qui cherchent à m'éviter de me retrouver au lit !

            Le lépreux de l'évangile, comme ceux de son temps, garde lui aussi la distance. Les consignes du Lévitiques sont prudentes et tentent d'éviter tout risque de propagation d'une maladie dangereuse et liée au péché et à l'impureté tout autant contagieuse. Dans l'évangile pourtant, le lépreux brise déjà une barrière : au lieu de s'éloigner, il vient « auprès de Jésus » et « tombe à genoux » devant lui. Jésus, à son tour, aurait du se reculer un peu. Mais le geste souligné par l'évangéliste est comme filmé au ralenti : « Jésus étendit la main, le toucha et lui dit. » Jésus touche le lépreux. Scandale de la règle transgressée, mais davantage encore, prise d'un risque inconsidéré ! La parole aurait pourtant suffit ! N'arrive-t-il pas à calmer une tempête, à ressusciter des morts, à chasser des démons simplement en levant la voix ? Pourquoi donc se mettre ainsi en danger de maladie et pire, de péché et d'impureté ?

            Parce que Dieu n'aime pas du bout des lèvres, fussent-elles les porte-voix d'une parole efficace. Dieu n'aime pas de loin, dans un filet de sécurité, à l’abri du danger. Il aime de tout son cœur et de tout son corps, et il aime dans un corps à corps que rien n'arrête, parce que l'amour de Dieu ne se laisse arrêter par rien. Dieu ne veut pas d'une rencontre à moitié, laissant de côté ce qui est blessé ou meurtri. Il vient toucher le corps, entrer en contact avec la peau. Comment embrasser de loin ? Comment caresser à distance ? Les amoureux qui fêtent la Saint Valentin ce week-end le savent bien !

            Le toucher est beau. Parce qu'il ne triche pas. Par le toucher, les deux qui se touchent sont pris l'un et l'autre dans une relation. Je peux voir sans être vu, entendre sans me faire entendre, je ne peux toucher sans être impliqué avec l'autre. Dieu s'implique avec l'homme, avec nous. Il nous transforme et se laisse toucher par nous, au risque – n'ayons pas peur d'être hérétique – d'en être transformé.

            Nous sommes souvent surpris, nous les occidentaux devenus cérébraux, des contacts physiques que nous proposent les personnes d'autres cultures lorsqu'elles nous accueillent ou nous rencontrent. Je me rappelle par exemple de ces embrassades infinies au Brésil lors des JMJ... décalage culturel garanti ! Et même nos liturgies deviennent si facilement un brin désincarnées, le seul contact physique avec l'autre se vivant dans un geste de paix du bout des mains le regard déjà ailleurs. Tenez... une idée pour le geste de paix de tout à l'heure : nous le vivrons avec tout notre corps. Nous pourrons nous prendre dans les bras, nous regarder les uns les autres chaleureusement. Nous serrer réellement et longuement les mains... nous essaierons de faire l'expérience, aussi minime soit-elle, de la tendresse de Dieu pour nous, d'une tendresse qui passe par le corps, car il ne peut nous aimer sans ce corps.

            Cette façon de faire de Dieu n'est pas anecdotique. Elle ne cède pas à la mode d'un « 50 nuances de Grey » qui banalise trop l'extraordinaire du corps à corps. Elle est la logique de l'incarnation, de la passion et de la résurrection. Dieu prend chair, l'infini prend corps, l'éternel fait l'expérience de la finitude. Quand Jésus touche le lépreux, il ne lui dit pas simplement qu'il l'aime. Il prend sur lui son mal et sa souffrance, il plonge avec lui dans son mal, sa souffrance et son péché pour l'en délivrer. Je dis « il plonge », comme s'il s'agissait d'une descente (« il est descendu aux enfers », dirons-nous dans le credo), comme s'il s'agissait d'un baptême. Et notre baptême en Christ est de cet ordre là aussi : plongeon dans une mort pour en être avec Lui victorieux. Et vivre dans l'unité et la sainteté retrouvées. Le lépreux n'est pas simplement guéri, il est sauvé. Il peut désormais réintégrer la société, rencontrer à son tour les gens qu'il croise, parler avec eux, et même désobéir à Jésus qui lui demande de garder le silence.

            Prendre corps. Aller jusqu'au corps à corps. Voilà une belle nouvelle à vivre. Ne nous aimons pas « de loin ». Entrons en contact les uns avec les autres. Rencontrons-nous réellement. Pour que l'autre ne me soit pas le lointain, Jésus nous invite à étendre la main et à entrer en contact avec le corps. Le corps humain, le corps social, le corps ecclésial. Et ne pas en rester à des discours, des lamentations, des prophéties ou des incantations. Il nous invite à nous impliquer en nous risquant.

            A risquer de prendre soins de nos corps de chair. Je pense à ceux qui sont fatigués, usés, malades. L'amour de Dieu pour nous, nous invite à ne jamais délaisser un corps souffrant. On sait combien il est important et bon de prendre un malade par la main, de poser une caresse sur le front...

            A risquer aussi d'entrer en corps à corps avec les corps sociaux : telle association, tel quartier, tel groupe... Allons nous voir, nous rencontrer, nous serrer la main, échanger, construire ensemble... n'ayons pas peur de nous « frotter » à tel « corps » dont nous ne partageons pas les opinions. On voudrait nous faire croire que chacun doit être bien à sa place, hermétiquement cadré... Il y va pourtant du travail d'unité et de réconciliation, il y va de la construction du Royaume, il en va du Salut. Étonnant Saint Paul, encore une fois, dans sa lettre aux Corinthiens, qui place dans une même phrase avec autant de respect pour les uns et pour les autres des groupes qui ne s'entendaient pas : « Ne soyez un obstacle pour personne, ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l’Église de Dieu. » Et qui continue : « Je tâche de m'adapter à tout le monde, sans chercher mon intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu'ils soient sauvés. » Belle mission d’Église, ce Corps ressuscité du Christ, invité à entrer en relation « corporelle » avec chacun, pour nourrir le corps de l'humanité et annoncer le salut de Dieu !

            Que la peur de la contagion de la maladie de l'autre ne nous empêche jamais de nous approcher les uns des autres, mais que l'amour de Dieu nous soit source de joie pour vivre jusque dans nos corps la rencontre que l'autre attend.

            Amen.

P. Benoît Lecomte

Livre du Lévitique 13,1-2.44-46.
Le Seigneur parla à Moïse et à son frère Aaron, et leur dit :
« Quand un homme aura sur la peau une tumeur, une inflammation ou une pustule, qui soit une tache de lèpre, on l’amènera au prêtre Aaron ou à l’un des prêtres ses fils.
l’homme est lépreux : il est impur. Le prêtre le déclarera impur : il a une tache à la tête.
Le lépreux atteint d’une tache portera des vêtements déchirés et les cheveux en désordre, il se couvrira le haut du visage jusqu’aux lèvres, et il criera : “Impur ! Impur !”
Tant qu’il gardera cette tache, il sera vraiment impur. C’est pourquoi il habitera à l’écart, son habitation sera hors du camp.

 

Psaume 32(31),1-2.5.11.
Heureux l'homme dont la faute est enlevée,
et le péché remis !
Heureux l'homme dont le Seigneur ne retient pas l'offense,
dont l'esprit est sans fraude !

Je t'ai fait connaître ma faute,
je n'ai pas caché mes torts.
J'ai dit : « Je rendrai grâce au Seigneur
en confessant mes péchés. »

Et toi, tu as enlevé l'offense de ma faute.
Que le Seigneur soit votre joie !
Exultez, hommes justes !
Hommes droits, chantez votre allégresse !

 

Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens 10,31-33.11,1.
Frères, tout ce que vous faites : manger, boire, ou toute autre action, faites-le pour la gloire de Dieu.
Ne soyez un obstacle pour personne, ni pour les Juifs, ni pour les païens, ni pour l’Église de Dieu.
Ainsi, moi-même, en toute circonstance, je tâche de m’adapter à tout le monde, sans chercher mon intérêt personnel, mais celui de la multitude des hommes, pour qu’ils soient sauvés.
Imitez-moi, comme moi aussi j’imite le Christ.

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1,40-45.
En ce temps-là, un lépreux vint auprès de Jésus ; il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit : « Si tu le veux, tu peux me purifier. »
Saisi de compassion, Jésus étendit la main, le toucha et lui dit : « Je le veux, sois purifié. »
À l’instant même, la lèpre le quitta et il fut purifié.
Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt
en lui disant : « Attention, ne dis rien à personne, mais va te montrer au prêtre, et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit dans la Loi : cela sera pour les gens un témoignage. »
Une fois parti, cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle, de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville, mais restait à l’écart, dans des endroits déserts. De partout cependant on venait à lui.

Rédigé par Paroisse saint Jean Baptiste

Publié dans #Homélies

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