Samedi 16 février 2013 : 1er dimanche de carême C

Publié le 17 Février 2013

« Ne nous soumets pas à la tentation »

  • Homélie du P. Benoit Lecomte

 

          AMIfv95fdHjiVEYfo3xPmolNS-ee2101ON8JsTDMHHSZVCYj9bi0wcwLPC7.jpg« Premier dimanche de carême : dimanche des tentations », disent les revues liturgiques. Charmante perspective ! Les tentations, on en fait des émissions affriolantes, la publicité joue avec pour nous pousser à consommer ou nous faire rêver d'un monde imaginaire... elles révèlent nos petits travers, nos penchants mauvais... elles cherchent à nous faire « tomber », comme dit l'expression... Comme autant d'embuscades, de pièges, de mirages pour nous empêcher d'aller là où nous devons aller, de vivre de façon droite et juste, en pleine lumière. Alors en carême, on se prive. Pour ne pas entrer en tentations justement, pour s'en soustraire à force d'efforts. On peut se priver de plein de choses, chacun décelant ce qui le tente le plus : nutella, internet ou Facebook, sorties, argent ou je ne sais quoi encore.

          Mais peut-être la tentation la plus enfouie, la plus ancrée, la plus profonde, celle qui gangrène le plus notre humanité est-elle celle qui prend la forme d'un certain négationnisme : je veux parler de la négation de Dieu. Tentés de se croire soit sans besoin de Dieu, soit abandonné de lui. Quand nous sommes fatigués, ou malades, ou contrariés. Quand le bonheur n'est pas au rendez-vous et que ça va mal. Ou au contraire quand tout va bien, au point de ne plus avoir besoin de se tourner vers Lui! - et ce qui est vrai individuellement l'est aussi collectivement. Peut-être cette intuition est-elle, même, la source de toutes les tentations, de celles aussi que connaît Jésus. La tentation de l'autosuffisance : « Ordonne à ces pierres de devenir du pain » - et alors je n'ai plus besoin de personne, je peux faire ce que je veux quand je veux avec ce que je veux... Je peux ne dépendre d'aucun autre.  Évacués, les frères et sœurs qui m'étaient donnés pour nouer des relations. La tentation, ensuite, d'adorer un autre dieu  a priori plus rétributeur, plus plaisant, plus efficace, plus présent : « Si tu te prosternes devant moi, dit le démon,tu auras tout cela ». Il est vrai que dans nos fragilités, nous pouvons être parfois tentés de chercher du secours ailleurs ! Puis la tentation de la désespérance : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ». Et n'y a-t-il pas, en notre monde et en nos vies, de quoi désespérer de Dieu et de l'homme ?

          Les Hébreux, au cours de l'Exode, ont connu ces mêmes tentations. Lorsque Moïse part sur la montagne et met du temps à revenir, ils s'imaginent devoir désormais compter sur eux seuls. Et ils vont construire un veau d'or. Auto-suffisance, adoration d'une puissance artificielle dont ils deviennent dépendants, désespérance et errements : « c'était mieux avant, nous étions esclaves, mais au moins nous avions quelques oignons à manger ! » crient-ils pendant leur longue marche dans le désert.

          Le désert. Celui des Hébreux et de l'Exode, celui de Jésus, et le notre aujourd'hui. Le désert comme lieu de l'isolement, de la perdition, des mirages. Et Jésus vient là, « rempli de l'Esprit Saint », jusque dans ce désert où nous vivons. Il nous y rejoint, jusque dans la tentation que nous pouvons connaître, de vouloir vivre sans lui. Pour traverser avec nous ce désert, comme un passage, comme une Pâques. Et ce désert de sécheresse devient alors lieu de vérité, de rencontre de Dieu, de soif d'une vie nouvelle.

          « Ne nous soumets pas à la tentation », disons-nous dans la prière que Jésus nous a apprise. Comme si nous redoutions que Dieu nous pousse au désert... - comme si nous n'y étions pas déjà ! Nous faudrait-il implorer un Dieu qui chercherait malicieusement à nous faire tomber ? Ce serait un dieu cruel en qui aucune confiance ne serait possible. A moins qu'en lui demandant de ne pas être soumis à la tentation, nous espérions ne plus connaître de combat et que tout soit facile ? Mais ce serait nous déresponsabiliser !

          Reste alors, avec cette courte phrase, à nous confier à Lui. Avec notre intelligence, notre volonté et notre cœur. Tout cela même qui peut être tenté. Plus encore que de nous confier : de plonger en lui, c'est-à-dire au plus profond de nous, pour l'y retrouver dans cette histoire d'alliance et d'amour qu'il a commencé avec nous depuis le premier jour. Et de trouver, là, sa Parole. « Elle est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur », dit saint Paul. « Celui qui croit du fond de son cœur devient juste. » Cette demande de la prière du Notre Père ne fait ni de Dieu un vicieux, ni de l'homme un pantin. Elle est un chemin qui nous mène en notre intimité pour, là, être vigilant et vivre le discernement et la décision du cœur, dans une proximité toute personnelle avec le Christ. Et découvrir, là, dans le secret, que notre bonheur est intimement lié à Lui, et qu'il reste intimement lié à nous dans nos malheurs et dans nos choix. Et cheminer avec lui dans ces déserts de nos vies jusqu'au bout, jusqu'à pouvoir dire comme les Hébreux , quand viennent nos heures et nos jours de Pâques : «Le Seigneur a entendu notre voix, il a vu que nous étions pauvres, malheureux, opprimés... Il nous a conduits dans ce lieu et nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel. » (Dt) Demander au Père de ne pas être soumis à la tentation, d'être gardé de la séparation d'avec lui, c'est entrer dans l'attitude du Fils qui, jusque dans ses doutes et ses questionnements intérieurs, ne veut pas oublier son Père, un Père qui aime ses enfants inconditionnellement. Et croire, avec le Fils unique, que ce Père nous offre sa présence de bonheur et de paix, nous aidant par son amour simplement à prendre à chaque instant les décisions qui nous font vivre avec lui.

 

           « Ayant épuisé toutes les formes de tentations, le démon s'éloigna de Jésus », dit la fin du récit évangélique. Bonne nouvelle : les formes de tentations sont vite épuisées ! Alors que l'amour de Dieu est et restera toujours infiniment inépuisable et créatif !

En ce temps de carême, pour ressusciter avec le Fils et vivre de la Lumière du Père, plongeons en cet amour divin... et laissons-nous conduire par lui.

Amen.

P. Benoît Lecomte

 

 

 

Textes du jour

 

Livre du Deutéronome 26,4-10.

 Moïse disait au peuple d’Israël : Lorsque tu présenteras les prémices de tes récoltes, le prêtre recevra de tes mains la corbeille et la déposera devant l’autel du Seigneur ton Dieu.
Tu prononceras ces paroles devant le Seigneur ton Dieu : « Mon père était un Araméen vagabond, qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son petit clan. C'est là qu'il est devenu une grande nation, puissante et nombreuse.
Les Égyptiens nous ont maltraités, et réduits à la pauvreté ; ils nous ont imposé un dur esclavage.
Nous avons crié vers le Seigneur, le Dieu de nos pères. Il a entendu notre voix, il a vu que nous étions pauvres, malheureux, opprimés.
Le Seigneur nous a fait sortir d'Égypte par la force de sa main et la vigueur de son bras, par des actions terrifiantes, des signes et des prodiges.
Il nous a conduits dans ce lieu et nous a donné ce pays, un pays ruisselant de lait et de miel.
Et voici maintenant que j'apporte les prémices des produits du sol que tu m'as donné, Seigneur. »

Psaume 91(90),1-2.10-11.12-13.14-15ab.

 Quand je me tiens sous l'abri du Très-Haut
et repose à l'ombre du Puissant,
je dis au Seigneur : « Mon refuge,
mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr ! »

Le malheur ne pourra te toucher,
ni le danger, approcher de ta demeure :
il donne mission à ses anges
de te garder sur tous tes chemins.

Ils te porteront sur leurs mains
pour que ton pied ne heurte les pierres
tu marcheras sur la vipère et le scorpion
tu écraseras le lion et le dragon

« Puisqu'il s'attache à Moi, Je le délivre
Je le défends car il connaît Mon Nom
il m'appelle et Moi Je lui réponds
Je suis avec lui dans son épreuve. »
Lettre de saint Paul Apôtre aux Romains 10,8-13.
 

Frères, nous lisons dans l’Écriture : La Parole est près de toi, elle est dans ta bouche et dans ton cœur. Cette Parole, c’est le message de la foi que nous proclamons.

Donc, si tu affirmes de ta bouche que Jésus est Seigneur, si tu crois dans ton cœur que Dieu l'a ressuscité d'entre les morts, alors tu seras sauvé.
Celui qui croit du fond de son cœur devient juste ; celui qui, de sa bouche, affirme sa foi parvient au salut.
En effet, l'Écriture dit : Lors du jugement, aucun de ceux qui croient en lui n'aura à le regretter.
Ainsi, entre les Juifs et les païens, il n'y a pas de différence : tous ont le même Seigneur, généreux envers tous ceux qui l'invoquent.
En effet, tous ceux qui invoqueront le nom du Seigneur seront sauvés.

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 4,1-13.

 Après son baptême, Jésus, rempli de l'Esprit Saint, quitta les bords du Jourdain ; il fut conduit par l'Esprit à travers le désert
où, pendant quarante jours, il fut mis à l'épreuve par le démon. Il ne mangea rien durant ces jours-là, et, quand ce temps fut écoulé, il eut faim.
Le démon lui dit alors : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à cette pierre de devenir du pain. »
Jésus répondit : « Il est écrit : Ce n'est pas seulement de pain que l'homme doit vivre. »
Le démon l'emmena alors plus haut, et lui fit voir d'un seul regard tous les royaumes de la terre.
Il lui dit : « Je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire de ces royaumes, car cela m'appartient et je le donne à qui je veux.
Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela. »
Jésus lui répondit : « Il est écrit : Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c'est lui seul que tu adoreras. »
Puis le démon le conduisit à Jérusalem, il le plaça au sommet du Temple et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas ;
car il est écrit : Il donnera pour toi à ses anges l'ordre de te garder ;
et encore : Ils te porteront sur leurs mains, de peur que ton pied ne heurte une pierre. »
Jésus répondit : « Il est dit : Tu ne mettras pas à l'épreuve le Seigneur ton Dieu. »
Ayant ainsi épuisé toutes les formes de tentations, le démon s'éloigna de Jésus jusqu'au moment fixé.

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